Hommage rendu à Pierre FILLOUZEAU
le 11 Novembre 2014
Pierre Auguste Léon FILLOUZEAU est né le 18 mars 1886 à la Bouriotière, ferme située près du village des Côtes, ici, à Saint Vincent sur Jard. Fils de fermiers, il y passera toute son enfance et tout naturellement, ses parents lui transmettront leur sens du travail de la terre : tout comme eux, il sera cultivateur.
Le 25 avril 1907, il a tout juste 21 ans, le Conseil de révision le déclare « Bon pour le service » ; il sera alors incorporé à Lorient au 62e Régiment d’infanterie, le 7 octobre de la même année. En septembre 1909, avec son certificat de bonne conduite en poche, il retrouve la vie civile et rejoint La Bouriotière pour reprendre les travaux des champs. Versé dans la réserve de l’armée d’active le 1er octobre 1909, il reprendra l’uniforme pour une période d’exercice du 28 août au 19 septembre 1911 et se verra attribuer une affectation de réserviste au 293e Régiment d’infanterie de la Roche sur Yon.
Les années 1912 et 1913 auront certainement été pour lui source de grandes satisfactions personnelles et familiales : il trouve l’amour et se marie à Saint Vincent/jard le 1er mai 1912 avec Adelina Léontine Eugénie ARNAUD. De cette union naîtra, le 6 avril 1913 une fille Fernande Marie Léontine FILLOUZEAU qui - malheureusement -ne profitera de son papa que pendant quelques mois : elle est âgée de 18 mois lorsque son père part à la guerre.
Rappelé à l’activité par le Décret de mobilisation générale du 1er août 1914, Pierre FILLOUZEAU doit rejoindre son régiment. Si la tradition populaire rapporte des scènes de liesse lors du départ des soldats pour la guerre (la fleur au fusil, la certitude que la guerre sera courte, les colliers de fleurs…), c’est très vraisemblablement le cœur serré et en faisant preuve d’une jovialité forcée pour ne pas inquiéter ses proches que le soldat de 2e classe Pierre FILLOUZEAU est parti le 4 août rejoindre son régiment à la Roche.
Affecté au 6e Bataillon du 293e RI, très précisément à la 23e Compagnie commandée par le Capitaine PLOIX, Pierre FILLOUZEAU est parti avec ses camarades de la gare de La Roche sur Yon le 10 août à 7h 27. Il leur faudra plus d’une journée de train pour arriver à Grand-Pré (Ardennes).
Le 293e R.I. est alors placé directement sous les ordres du Général commandant le 11e Corps d’armée. C’est une unité qu’il maintient « en réserve » et qu’il n’utilisera qu’à bon escient : là où il le faudra et quand il le faudra. Ainsi, sur la période du 11 au 23 août, le régiment ne montera pas en première ligne. Dans des conditions météorologiques difficiles, fortes chaleurs suivies d’orages violents et de pluies diluviennes, il se déplacera à pied en suivant à distance l’évolution des troupes engagées au contact de l’ennemi. Sa progression initiale vers le nord de Grand-Pré s’infléchit ensuite vers le sud-ouest vers Paliseul.
Le 24 août, le régiment subira son baptême du feu et aura ses premières pertes (13 blessés et 9 disparus) dans le secteur de Corbion. Il passe alors la Semois, et se replie par Corbion et Sedan sur Chéhéry.
La soirée du 26 août et la journée du 27 août seront les premières heures tragiques du 293e R.I. Engagé sous une pluie torrentielle dans les combats de La Marfée- Bulson- Cheveuges et Chaumont Saint Quentin, le régiment – qui tenait le front sur une distance de 700 mètres environ - perdra pratiquement 20% de son effectif (21 tués – 315 blessés et 91 disparus).
L’examen des registres d’état-civil de la 4e Armée permet de penser, sans toutefois l’établir avec certitude que Pierre FILLOUZEAU a été grièvement blessé dans les combats de Bulson, secteur dévolu à sa 23e compagnie. Relevé par des brancardiers il a été acheminé à l’hôpital de Sedan.
Intransportable, il ne peut être évacué vers l’arrière et sera toujours sur son lit d’hôpital lorsque les allemands prirent le contrôle de la ville de Sedan et rebaptisèrent l’hôpital sous l’appellation de « Feld Lazarett VII.d.8 AK ».
Les archives du Comité International de la Croix-Rouge (C.I.C.R.) confirment que Pierre FILLOUZEAU, considéré alors comme prisonnier de guerre, y est décédé le 13 septembre 1914 des suites de ses blessures et a été inhumé dans le cimetière à proximité de l’hôpital :
Aujourd’hui, on ne trouve pas de tombe individuelle au nom de Pierre FILLOUZEAU. Dans ses mémoires écrites en 1920, le curé de Sedan-Torcy explique qu’au début de la guerre chaque soldat, français ou allemand, dûment identifié au moment de son décès, était inhumé dans une tombe individuelle avec une croix portant l’identité du défunt. Les mois de guerre passant, le nombre des inhumations étant très important, l’autorité allemande a fait relever ces tombes et placer anonymement les dépouilles, en fosses communes, pour réaliser de nouveaux cimetières.
Il est plus que probable, qu’aujourd’hui, Pierre FILLOUZEAU repose parmi ses frères d’armes, dans l’un des ossuaires de la Nécropole Nationale de Sedan-Torcy. C’est un jardin paysager calme et paisible où la sérénité est reine, c’est un lieu propice à la réflexion et à la réconciliation.
Pierre FILLOUZEAU est inscrit au Livre d’or de la commune de Saint Vincent sur Jard.
Reconnu officiellement « Mort pour la France » par jugement déclaratif de décès du Tribunal des Sables d’Olonne en date du 13 avril 1921, il s’est vu concéder à titre posthume la Médaille Militaire par décret publié le 7 septembre 1920 au Journal Officiel de la République Française. Il y est cité avec la citation suivante :
« FILLOUZEAU (Pierre), mle 01621, soldat : soldat courageux, qui a fait vaillamment son devoir dès les premiers jours de la campagne.
« FILLOUZEAU (Pierre), mle 01621, soldat :
soldat courageux, qui a fait vaillamment son devoir dès les premiers jours de la campagne.
Mort glorieusement pour la France, le 13 septembre 1914. Croix de guerre avec étoile de bronze. » :
Les combats de Bulson-Chaumont Saint Quentin ont fauché en pleine jeunesse Pierre FILLOUZEAU et bon nombre de ses camarades du 293e RI. Ils n’ont pas résisté en vain ! En effet, en s’opposant farouchement à l’avancée de l’armée allemande, ils ont permis – aux unités françaises en retraite – de se réorganiser, faire volte-face à l’ennemi et remporter dans les marais de Saint-Gond la première bataille de la Marne. S’ils n’avaient pas fait le sacrifice de leur vie, l’issue de la Grande Guerre aurait vraisemblablement été différente de celle que l’on connaît aujourd’hui.
La fille de Pierre FILLOUZEAU, Fernande, a su entretenir la mémoire familiale puisqu’au décès de sa maman, elle a fait apposer une plaque- encore visible au cimetière du Bernard sur le caveau familial- plaque qui porte l’inscription suivante :
« Ici repose le corps d’Adelina ARNAUD, décédée le 16 mai 1929 à l’âge de 42 ans, épouse de Pierre FILLOUZEAU mort pour la Patrie à l’âge de 28 ans ».
La famille de Pierre FILLOUZEAU conserve aujourd’hui trois « reliques » : la Croix de guerre avec étoile de bronze et la Médaille Militaire de Pierre Fillouzeau et un médaillon qui, d’un côté porte la photo de Pierre en 1906 ou 1907 lorsqu’il faisait son service militaire au 62e R.I., de l’autre il porte la photo de Fernande, fille de Pierre, à l’âge de 5 ou 6 ans . En hommage à son époux, Adelina a dû porter ce médaillon en sautoir pendant de nombreuses années…
En ce 11 novembre 2014, il nous a semblé tout à fait normal de perpétuer la mémoire de Pierre FILLOUZEAU, premier des soldats de Saint Vincent sur Jard « Mort pour la France » le 13 septembre 1914 à Sedan-Torcy, en terre ardennaise…
Saint Vincent-sur- Jard, le 11 novembre 2014
Jean-Pierre LETANG
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Courriel : unc.saint-vincent-sur-jard@laposte.net
Président : Olivier DESVIGNES