Hommage rendu à Jacques GUERIN

le 11 Novembre 2016


 

Jacques, André, Aimé GUERIN 

 

Caporal signaleur au 83e R.I.T.

 

Mort pour la France

le 26 août 1916

dans le Bois de Remières (54)


Fils de métayers, Jacques André Aimé GUERIN est né à Saint-Vincent-sur-Jard le 16 juin 1874. Installés à La Tigerie, à quelques pas du Dolmen du Grand Bouillac, les parents GUERIN inculquent à leurs deux enfants, Jacques et Clémentine, leur goût pour le travail de la terre. Tout comme eux, ils seront cultivateurs.

 

Déclaré bon pour le service par le conseil de révision Jacques GUERIN est rattaché à la classe 1894 et se voit attribuer le matricule n° 769 au bureau de recrutement de La Roche-sur-Yon. Appelé à l’activité le 14 novembre 1895 au 114e Régiment d’Infanterie (R.I.), il est promu soldat de 1ère classe le 11 août 1897 et, certificat de bonne conduite en poche, il est renvoyé dans ses foyers le 17 septembre 1998. Il passe dans la Réserve de l’armée d’active le 1er novembre 1998 et est alors affecté au 93e RI de La Roche-sur-Yon.

 

Le 26 avril 1899 sera un jour de fête à Saint Vincent-sur-Jard. En effet, ce jour là , à dix heures du matin sont célébrés deux mariage : celui de Jacques GUERIN avec Marie Henriette Augustine NEAU et celui de Clémentine Henriette GUERIN, sœur de Jacques, avec Auguste Aimé Jules NEAU, frère de Marie Henriette Augustine.

Jacques GUERIN et son épouse ont eu deux enfants : Marie, née le 2 septembre 1900 et Eugène né le 4 août 1902. Auguste Neau et Marie seront les parents de Clément NEAU qui sera Maire de Saint Vincent-sur-Jard de 1959 à 1977.

Bien qu’étant chargé de famille et à la tête d’une exploitation agricole qui employait deux ouvriers, l’autorité militaire ne l’oublie pas. Il est convoqué pour une 1ère période d’exercice au 93e R.I. du 19 août au 15 septembre 1901, puis pour une 2ème période qu’il fera au sein du 3e Régiment d’Infanterie Coloniale du 27 février au 26 mars 1905. En raison de son âge, on lui notifie le 1er octobre 1908 son passage des réserves de l’armée d’active à l’armée territoriale. Il est alors affecté au 83e Régiment d’Infanterie Territorial (83e R.I.T.) de La Roche-sur-Yon (85).Cette affectation lui vaudra d’ y effectuer une période d’entraînement du 6 au 14 avril 1914… quelques semaines seulement avant le déclenchement de la Grande Guerre.

 

Nous nous devons de noter ici que, par le plus grand des hasards, Jacques GUERIN et son beau-frère Auguste NEAU ont eu un « cursus » militaire pratiquement identique : exception faite des dates de convocation pour une période d’exercice, ils ont toujours été affecté ensemble, dans les mêmes unités et au même moment. Ainsi, ils étaient tous deux affectés au 83e R.I.T. début août 1914, dans le même bataillon, la même compagnie, la même section … et la même sous-section !

 

 

Pour bien comprendre ce que Jacques GUERIN a fait pendant la Grande Guerre, il faut se poser une question : Un R.I.T… C’est quoi ?

Les « Pépères », tel était le surnom affectueux donné aux soldats affectés dans les Régiments d'lnfanterie Territorial (R.l.T.). En effet, en août 1914 on affectait dans ces régiments les soldats âgés de 35 à 40 ans alors que les régiments de 1ère ligne (armée d'active) se voyaient affecter des jeunes de 22 à 24 ans et que les régiments de réserve de l'armée d'active étaient formés avec des hommes de 25 à 34 ans.

 

Au début de la guerre, il n'était pas envisagé de les engager dans le cadre des opérations en 1ère ligne. Il était prévu de les employer dans des tâches de soutien à l'arrière ou dans des secteurs peu exposés qu'on ne pouvait faire tenir par des régiments d'active plus utile ailleurs.

 

Très rapidement la tournure des évènements a conduit à une redéfinition de leur mission. S'ils n'étaient pas engagés directement dans la bataille en 1ère ligne, ils évoluaient dans la Zone dite « Zone des Armées », zone de dangerosité extrême où ils effectuaient des tâches de soutien : gardes de tous genres, escortes et surveillance de prisonniers, gardes de voies de communication, installation de terrains d'aviation, entretien de routes et de voies ferrées, creusement et réfection de tranchées et de boyaux, présence aux tranchées de 1ères lignes, notamment dans les postes optiques...

 

….Là, eux aussi, ces « pépères » ils étaient particulièrement exposés au danger.

 

 

Rappelé à l’activité par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914, Jacques GUERIN, accompagné d’Auguste NEAU, rejoint son régiment à La Roche le 5 août. Lui qui n’avait quitté sa Vendée natale que pour aller faire son service militaire au 114e R.I. à Parthenay (79), il ira à Nantes le 10 août, sera dans la banlieue sud de Paris le 18 août ; dans la région de Lille le 23 août.  Il subira son baptême du feu le 24 août à Tournai , en Belgique. Après Rouen le 4septembre, il est à Amiens le 19 et découvre en octobre le plateau de Beaumont Hamel et sa fameuse cote 137 aisi que la Ferme de Beauregard. Il passera ensuite l’essentiel de l’année 1915 et les 1er mois de 1916 dans le secteur d’Arras où le 83e R.I.T. est en soutien des régiments d’active engagés en 1ère ligne.

Début avril 1916, le 83e R.I.T. est transporté en Lorraine et se voit assigner la responsabilité du  contrôle du secteur de Laître-sous-Amance (Meurthe-et-Moselle). C’est-là que Jacques GUERIN sera nommé

« Caporal signaleur » le 21 mai 1916. 

Un caporal signaleur... C'est quoi ?

 

Pour ne pas se laisser surprendre par une attaque ennemie ou avant de lancer une attaque sur les tranchées allemandes, il est indispensable de recueillir des renseignements sur l'organisation et l'activité de l'unité ennemie que l'on a en face de soi.

 

Ainsi, on cherche à savoir si l'ennemi creuse des tranchées, des sapes ou des boyaux, où sont les nids de mitrailleuses, si des relèves anormales ne sont pas des indices d'attaque, etc... Les renseignements sont recueillis visuellement par des observateurs (les groupes de signaleurs commandés généralement par un caporal). l'endroit où ils sont placés pour observer est appelé « Poste optique ». Les renseignements sont alors transmis en temps réels sur le poste de commandement le plus proche situé à l'arrière des lignes.

 

Les informations sont transmises soit par signaux optiques à l'aide de projecteurs électriques, soit par TSF, soit par mouvements à bras de panneaux en tissus.

 

Il faut également souligner le rôle primordial des signaleurs dans les réglages des tirs de l'artillerie. En effet, les pièces d'artillerie françaises étaient systématiquement placées hors de vue des lignes allemandes. Il fallait bien renseigner les chefs de pièces sur la position des point d'impact des obus par rapport aux objectifs à atteindre.

 

A ce stade, une conclusion s'impose : les signaleurs, et leur chef en tête, étaient en permanence dans une zone de dangerosité extrême.

Le 21 juin 1916, le 83e R.I.T. gagne la zone de Liverdun (54). La mission qui lui est attribuée est d’occuper et de tenir les tranchées  du Bois de Remières : 1 bataillon en 1ère ligne, 1 bataillon en protection et

1 bataillon au repos.

 

Il n’y aura pas d’offensive importantes dans ce secteur avant la fin du mois d’août. Par contre, quotidiennement il y a des escarmouches et des tirs de l’artillerie allemande sur le bois. Pratiquement tous les jours, il y a quelques tués, quelques blessés.

 

Jacques GUERIN n’est pas serein… il craint de ne pas revoir les siens. C’est vraisemblablement quelques jours avant sa mort qu’il a écrit à sa fille dans les termes suivants :

A la date du 20 août 1916, le Journal de marche et d’Opérations (J.M.O.) du 83e R.I.T est rédigé comme suit :

De mémoire familiale, lorsque la nouvelle du décès de Jacques GUERIN est arrivée à Saint Vincent, Auguste NEAU était en permission dans sa famille. Il était sur le point de retourner au front pour que Jacques puisse à son tour venir passer quelques jours avec les siens

 

Aujourd’hui les descendants de Jacques et Marie GUERIN ici présents ont quelques souvenirs « matériels » de leur aïeul, des souvenirs qui ont certainement pour eux une valeur inestimable … Leur présence ici, dans cette salle Georges Clemenceau en ce 11 novembre 2016 témoigne de leur attachement à leur mémoire familiale.

Jacques, André, Aimé GUERIN a été déclaré « Mort pour la France » le 20 août 1916 dans les tranchées du Bois de Remières, en Meurthe-et-Moselle

Inscrit au Monument aux morts de Saint Vincent sur Jard, il est également inscrit au Livre d’or de cette commune. De plus, par décret publié au Journal Officiel de la République Française (J.O.R.F.) en date du 30 août 1920, il s’est vu concéder à titre posthume la Croix de Guerre avec étoile de bronze ainsi que la plus belle des médailles : la Médaille militaire. Il est cité au J.O.R.F. dans les termes suivants :

« Gradé d’un dévouement absolu, donnant à ses hommes le plus bel exemple en toutes circonstances. Tombé glorieusement pour la France, le 20 août 1916, au bois de Remières… »

 

Inhumé dans un premier temps au cimetière de Mandre au 4 Tours (54), il repose aujourd’hui dans une sépulture individuelle, aux côtés de ses frères d’armes, dans la Nécropole Nationale de « Le Pétant ». Cette nécropole, réalisée à quelques kilomètres du Bois de Remières, près de Pont-à-Mousson (54), est aujourd’hui un havre de paix, propice au souvenir, à la méditation et au recueillement.

 

Mort pour la France à l’âge de 42 ans, Jacques André Aimé GUERIN a laissé une veuve et deux adolescents orphelins. Notre devoir de mémoire nous a imposé  de lui rendre aujourd’hui un hommage particulier à l’occasion du centième anniversaire de sa mort. Nous ne saurions terminer sans avoir une pensée pour tous ces « Pépères » de l’armée territoriale qui, en raison de leur âge, étaient souvent chargés de famille et sont tombés au Champ d’honneur.

 

Saint-Vincent-sur-Jard, le 11 novembre 2016

 

Jean-Pierre LETANG



Photos de la cérémonie d'hommage

le 11 novembre 2016